mardi 17 janvier 2012

LES HOMMES NE RESSEMBLENT PAS AUX ARBRES

PETITES EGLISES DANS DES VALISES




"Acadie".1989. Je suis en rétho à l'époque et je n'y connais rien du tout. Si j'ai barboté le premier album de Daniel Lanois, c'est parce que son nom revenait sans cesse sur les pochettes des bons albums de U2 ( à mon sens seulement deux et demi, je vous laisse deviner lesquels). The Edge et son écho me captivaient. Les sermons gueulants de l'autre beaucoup moins. The Edge donc, et son écho modulé. Quelle ne fut pas ma surprise en écoutant le délicat et intemporel "Acadie" pour la première fois! Je retrouvais le même son de guitare, mais en cinémascope, en mieux joué, en mieux tout. Alors j'en ai hâtivement conclu que le Gallois avait tout piqué au Québecois. Que Lanois avait apporté ce son magnifique comme une colline d'Ecosse, mystérieux comme la brume sur le loch. Les années faisant, j'ai découvert que je me trompais légèrement. Que cet écho modulé (qui module les répétitions, c'est technique mais décisif)venait de The Edge, que l'ampli VOX AC 30 venait de The Edge et que Lanois avait tout bonnement repris ce set-up (configuration) qui lui plaisait tant. Et j'ai fait pareil que croyez-vous ? Une bonne guitare au son clair, l'ampli anglais et l'écho qui ondule. En 1998, j'ai commencé à me pencher avec insistance sur le jeu de Daniel Lanois, jouant aux doigts, expérimentant l'accordage de Mi ouvert ( sans plaquer le moindre doigt sur le manche, on obtient déjà un accord). J'avais trouvé un Bootleg (live pirate) chez Misère Records et je jouais dessus en boucle. Et j'ai appris, appris, appris. Je le fais toujours mais en trouvant mon propre chemin, en gardant à l'esprit qu'imiter n'est en rien jouer. Je leur suis tant redevables à ces deux cocos. En toute logique l'été dernier je suis allé au Gent Jazz Festival, un véritable festival de musique, pas une foire aux bestiaux bourrés à la bière tiède. Et je suis resté bouche bée devant Black Dub, le nouveau groupe du Père Lanois. Je n'ai vu que lui et son batteur, Brian Blade aux baguettes de fée. Et à nouveau j'ai appris, appris, appris. Dès la première note, j'ai été recoiffé en arrière si j'ose dire. J'avais une bière (une vraie Duvel dans un vrai verre Duvel) à la main mais je ne me rappelle pas y avoir touché. Regard fixe et bouche ouverte.
J'ai aussi apprécié les mots gentils de la maman de Trixie Whitley, la chanteuse ganto-texane du projet. Trixie et sa maman me furent présentées quelques mois auparavant au Tipi lors d'un petit concert organisé par un ami à qui j'avais fait découvrir cette perle rare. Toutes deux me remercièrent pour la promo acharnée qu'à l'époque j'avais lancé sur facebook. Après le concert, mort de trouille et dans mes minuscules souliers, je me suis aventuré dans sa loge pour lui remettre en bafouillant un exemplaire de 12H33. L'album new-yorkais. Trixie vit à Brooklyn. Je lui ai demandé d'où venait ce magnifique son de guitare qu'elle jouait. Elle m'a répondu qu'elle ne savait pas, que le Père Lanois lui avait réglé l'engin à Los Angeles et que voilà. Je me suis approché de l'ampli mais rien ne m'a semblé particulier. Pauvre naïf, la magie c'est invisible. Comme les notes d'ailleurs. Je lui ai demandé un autographe à la Fille Trixie, fait rarissime dans mon histoire de fan, j'en ai un de Bono (The Edge, ce gros coincé, n'a pas daigné me regarder), un de Stephan Eicher (qui lui-même m'en a demandé un il y a peu, si si !) et un autre de Terry Bickers (The House of Love). Et ce fut "un plus" dans ma journée cette petite signature maladroite et enfantine. Tout le contraire de son talent ravageur. Trixie sort son premier album bientôt, en attendant les nouvelles aventures soniques du Père Lanois.